dimanche 24 mars 2013

Les épinards crus d'Anne Luthaud.

Aujourd'hui, un roman.. aérien.

"Les épinards crus" d'Anne Luthaud.

Dans le cimetière de la ville de Gênes, un enfant fait son apprentissage du monde sous l’œil attentif du gardien des lieux. Été, automne, hiver, printemps s’écoulent au gré de ses jeux, de ses questionnements, de ses découvertes et de ses rencontres. Avec sa mère, la grande absente, il communique par flux mentaux qui sont autant d’interférences avec ce microcosme étrange et attachant. Elle lui révèle notamment le passé commun du tailleur de pierre et du fabricant. Ainsi l’enfant grandit-il au milieu des sculptures-sépultures et des personnages qui hantent le cimetière…
Un roman initiatique et une réflexion délicate sur le temps qui passe.
 Anne Luthaud signe ici un roman tout en douceur et d'une poésie rare.

A travers les saisons qui passent, une année dans la vie d'un jeune garçon qui, étrangement, vit dans un cimetière à Gênes, en Italie. Quant à sa mère:

"-Tu sais ce qu'elle a, ma mère? Ma mère, elle peut pas aller dehors. Sa peau ne peut pas toucher l'air sinon elle part en poussière pfft! Si elle sort, sa peau est attaquée, elle devient comme du papier, elle peut même tomber, il restera plus que ses os."

 Un ami, le gardien dudit cimetière, prend sous son aile ce petit garçon gambadeur et à l'imagination débordante. A travers ces instants qui passent, on découvre plusieurs personnages qui apporteront chacun quelque chose à l'enfant et à l'histoire.

La poésie dans ce livre se trouve dans une non-précision. Tout est flou, vague. Les personnages ne sont jamais décrits, on ne sait pas leur âge, leur nom. Le récit est toujours porté sur ce petit garçon, presque inconnu également, que l'on suit à travers des scènes et des événements de sa vie quotidienne. Cette non-précision peut aussi être perçue comme un rejet pour le lecteur mais tout est une question de la façon dont on est sensible à cette féérie des mots.

"Le goût récurrent des épinards. Écœurant tellement ils sont fades. Un goût qui vient de nulle part et ne va nulle part. Un goût mou. Tiède. Et pourtant amer. Sans saveur et sans odeur, pense le gardien, tu t'en souviens et puis t'oublies. Quand tu manges des épinards, tu te souviens des épinards de la cantine, en paquets serrés verts, un peu d'eau façon jus autour, une viande racornie à côté. Tu te souviens d'une matière filandreuse qui colle au palais, se coince entre les dents, que tu avales vite avec un grand verre d'eau. Et pas de saveur. Une couleur, ça oui, une couleur que tu ne peux pas rater, verte de verte, pourrait rendre vert de rage si la consistance n'était pas si molle. Alors vite tu oublies. Pour aimer les épinards il faut aimer remonter dans le temps, pas comme dans les films de science-fiction, remonter dans le temps comme on revient dans de vieilles choses, comme on ressasse, revoilà l'affaire, ce goût qui le poursuit jusqu'ici, dans l'île."

Les rencontres forgent l'enfant. Il questionne, embête parfois. Apprend des histoires, des anecdotes, des connaissances. Furète entre les allées, parle aux statues et tape avec son bâton pour réveiller les morts. Joue à la marelle sur les pierres tombales. Il rencontre Ludivine et danse avec elle. Déteste le téléphone auquel Constance est constamment accrochée. Et parle avec sa mère, à travers le "flux". Le gardien prend soin de lui, il est touchant malgré sa réserve. Prend soin de ses plantes et surveille l'enfant d'un regard attentif. Une ribambelle de protecteurs à qui l'on a envie de donner la main.

Voici l'histoire d'un enfant sautillant, à l'esprit affuté et pourtant rêveur, ailleurs. C'est un récit doux, pleins d'images et de sentiments, de sensations. Un livre comme on en rencontre pas souvent.

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