L'ardoise magique - Valérie Tong Cuong

Aujourd'hui, je viens parler d'un livre très touchant, profondément déstabilisant à vrai dire. En peu de pages, 157 pour être précise, l'auteure nous plonge dans le mal-être de simples adolescentes.

Aujourd'hui, L'ardoise magique de Valérie Tong Cuong.

Deux jeunes filles, Alice et Mina, ont décidé de se suicider ensemble. Mais seule Alice saute sous le train et Mina perd alors toute raison d'exister. Elle ne sait ni pourquoi elle n'a pas sauté, ni qui était vraiment Alice, ni quelle était la nature de leur amitié. Mina enquête sur elle-même et sur cette relation et finit par être contrainte de regarder la terrible vérité en face.  

Nous faisons la connaissance de Mina au moment fatidique. Elle voit son amie se jeter sous un train alors qu'elle-même se retrouve paralysée. Ou plutôt, une réflexion lui vient à l'esprit:

"Assez pour penser subitement qu'au fond, moi aussi, je pouvais avoir un avenir."

Alors elle recule. S'enfuit loin, honteuse de n'avoir pas été assez courageuse. Ou plutôt pour avoir oublier les raisons qui l'ont poussée là, à côté de son amie. Elle se cache, loin de cette pseudo-famille qui l'entoure, loin de ses repères. Elle rencontre quelqu'un qui finit par lui poser la bonne question. Pourquoi cette jeune fille, pourquoi Alice, elle qui avait tout, en était arrivée là?

Une grande partie du roman est en fait un questionnement sur le fait d'être malheureux dans les conditions de notre environnement. Alice, qui était riche, belle et intelligent, avait-elle le droit d'être aussi malheureuse que Mina, orpheline et très ordinaire? C'est en tout cas un débat qui revient souvent dans les souvenirs qui ponctuent ce récit. Nous sommes partagés entre ce présent traumatisant et ce passé si décisif.

"Elle me rendait folle. J'avais envie de hurler, "Oui, parfaitement, tu dois arrêter parce que tu es très, trop gâtée par la vie pour l'employer à disserter! Laisse ce privilège aux pauvres, aux malheureux, aux esclaves, à tous ceux dont les souffrances sont à la fois tangibles et mesurables".

Et puis soudain, elle se rend compte de son égoïsme. Elle ne s'est jamais demandée quelle était la raison du suicide de son amie. Quelle était la vraie raison, une raison si profondément horrible qui peut pousser une adolescente à se jeter sous un train, de décider d'en finir comme ça? Alors elle décide d'enquêter.

Le livre est court, nous n'avons pas le temps de nous ennuyer et malgré cela, quelle profondeur! On n'a pas le temps de s'arrêter, on suit Mina dans tous ses raisonnements, ses questionnements, son cerveau tourne à du 1000 à l'heure.

Leur détresse m'a bouleversée. Le mal-être qui les entoure est malsain, presque palpable. On sent que quelque chose cloche. Alice, dans sa petite bourgade de riches qui cachent leurs malheurs derrière leurs sourires. Et Mina, seule au monde.

Malgré cette lourdeur de sentiments, l'écriture est légère et ajoute beaucoup à la beauté de ce récit accablant.

"Il avait suffit qu'elle prononce ces deux mots, "elle t'aimait", pour que tout me revienne en plein ventre, juste au-dessous de l'estomac, là où ça coupe le souffle, là où ça laisse en vrac, oui, exactement là où ça matraque et où en même temps, ça vous fait tellement, mais alors, tellement de bien."

Et finalement, la liberté fut-elle vraiment la mort pour Alice? Est-ce ça, le libre-arbitre?

Je voulais également dire un petit mot sur la fin. Aucun spoiler, aucune indication, promis. Le mot qui me vient encore est bouleversante. Incroyable, étonnante, sublime. Elle ajoute encore de la profondeur à ce récit déjà poignant.

Un roman touchant qui vous prend aux tripes et qui vous montre encore une fois jusqu'à quel point des adolescents peuvent être malheureux alors qu'au fond, nombre d'entre nous trouverait la vie plus facile en y retournant, non?

(Je souhaiterais remercier les Editions J'ai Lu pour l'envoi de ce roman saisissant.)