Aujourd'hui, un livre.. dramatique:
Sale fille d'Anna Maria Scarfò et Cristina Zagaria.
Anna Maria est la sale fille. Elle a treize ans lorsque son premier calvaire démarre. Tout commence gentiment avec un rendez-vous innocent avec un garçon de son village. Celui-ci l'emmène ensuite, avec trois amis à lui, en pleine campagne, dans une maisonnette sordide. C'est là qu'Anna Maria perdra sa virginité, violée par quatre hommes.
C'était sa première fois. C'était également la première fois d'une longue série de violences sexuelles et psychologiques.
On va te tuer, toi et tes parents. On va te brûler. Voilà ce qu'ils lui répètent à peu près constamment. Anna est terrorisée alors elle garde le silence. Elle se rend à ces rendez-vous immondes et ne dit rien. Elle a quitté son corps depuis longtemps, pour moins souffrir. Elle les laisse faire, même quand ils la prêtent à tous les hommes du village. Pour rembourser une dette, pour conclure un pacte. Un objet. Un banal objet, voilà comment ils considèrent la jeune fille.
Trois ans. Cet enfer durera trois ans. Un jour, ceux-ci vont trop loin en lui demandant d'emmener sa sœur avec elle. Anna accepte la souffrance mais refuse que sa sœur vive la même chose qu'elle, aussi brise-t-elle le sceau du silence et avoue tout au carabinier, demande enfin qu'on l'aide.
Commence alors son deuxième calvaire. Des années de procès, des années à regarder ses tortionnaires nier tout en bloc. Des insultes, un village entier qui se met à harceler une famille pour avoir parler, oser dire la vérité. On tue leur chien, on leur jette des pierres, on les appelle en pleine nuit pour les menacer.
Car après tout, c'est de sa faute, ce n'est qu'une sale petite allumeuse.
Il y a ceux qui se rebellent parce qu'ils ont peur et ceux qui se rebellent parce qu'ils sont courageux. Il y a ceux qui reprennent leur vie en main parce qu'ils n'en peuvent plus, qu'ils ont touché le fond et que le moment de remonter est arrivé. Il y a ceux qui rêvent encore.
Je n'ai pas vécu mon adolescence. Je me suis consumée. Pendant toutes ces années, j'ai perdu la notion du temps. Les journées se sont succédé, inexorablement, toutes identiques, et les nuits n'étaient que des moments de veille.
J'ai dit stop par amour pour ma sœur, non pour moi. Mon amour-propre n'existait plus depuis longtemps. Je n'en ai jamais eu.
Voilà l'unique chose que je me reproche.
Je ne me suis jamais assez aimée.
Personne ne m'a appris à le faire et je n'ai pas été capable de m'aimer.
Dans ma tête, il n'y a pas d'amour. Il n'y a que l'écho fatigué de leurs malédictions. Ils ne me laissent pas en paix. Comme les statues de glace de la première nuit. Ils ternissent mes rêves. Ils épuisent mon énergie.
"Malanova".
Voilà le mot qui me fait le plus mal.
Aux yeux de mon village, je suis la mauvaise nouvelle, la créature maudite, et comme toutes les mauvaises nouvelles, personne ne veut de moi, personne ne veut me regarder, m'accueillir, me comprendre. Il est bien plus facile de me tenir à l'écart, comme si j'étais un monstre. Comme si je pouvais nuire à leur équilibre millénaire.
Je déteste ce mot. Je le déteste de toutes mes forces.
"Malanova".
Un extrait plutôt long mais je tenais à le partager. Il résume bien l'histoire d'Anna. Il me bouleverse et me donne envie de pleurer, de crier à l'injustice.
Nous ne sommes pas au Moyen-Âge, et pourtant.. C'est bouleversant. C'est court, c'est bref, ça va droit au but. Les mots sont simples mais reflètent totalement l'esprit d'une jeune fille qu'on a torturée. Une jeune fille qu'on a brisée. L'histoire d'Anna fait partie de ces histoires horribles devant laquelle deux options s'offrent à nous: soit on ferme les yeux, soit on accepte de la découvrir. Et de la partager. Parce qu'elle mérite que l'on sache. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle mérite qu'on partage sa douleur car c'est impossible. Personne ne saura jamais. Mais son courage mérite d'être lu.
J'ai pleuré, je l'avoue. On peut me jeter la pierre mais j'ai même envie de dire que celui qui ressort de cette lecture indemne et sans tristesse m'étonnera beaucoup. On y découvre tout. On la rencontre quand elle n'est encore qu'une enfant qui découvre à peine son corps. Qui sait qu'elle est jolie mais qui ignore encore vraiment l'attraction qu'elle peut exercer envers la gente masculine. On la voit se perdre, ne comprenant pas ce qu'il lui arrive. La peur la paralyse, le regard des gens, de sa famille l'empêche de dire quoique ce soit. Quand enfin vint le courage vint également les gens qui jugent et qui auraient voulu ne rien savoir. Ces femmes, ces mères, ces filles qui auraient voulu qu'elle se taise à jamais pour ne pas perdre leurs hommes. Des années de douleurs, de rejets et d'enfermement pour cette victime qui n'oubliera jamais.
Un récit autobiographique à lire pour se rappeler que ce genre de choses arrivent encore de nos jours.
Un grand merci aux Éditions Presse de la cité pour ce partage. Tragique mais nécessaire.
Des bisous..
et bien , ce n'est pas rien comme lecture. Tu en parles très bien mais j'ai peur que ça soit une lecture trop difficile et douloureuse...A voir...
RépondreSupprimerOuaaa une lecture qui m'a l'air bien difficile mais je ne serais pas contre la découvrir. Je vais la noter dans ma wish list. La façon dont tu en parles m'intrigue.
RépondreSupprimerune lecture qui semble effectivement très dure...je ne sais pas si j'en ai envie..... mais tu parles de ce livre avec tes tripes, c'est beau!chloé
RépondreSupprimerWahou quelle chronique et quel livre ! Je le note si un jour je tombe dessus !
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