dimanche 3 mars 2013

La Disparition du monde réel de Marc Molk.

Aujourd'hui, présentation d'un OVNI littéraire (1):

"La Disparition du monde réel" de Marc Molk.

Dans un grand mas provençal, une bande d’amis passe un nouvel été. Les vacances se terminent, la quarantaine est là, l’amitié tire sur la corde. Malgré l’humour et l’ivresse, le désenchantement gagne. Comment échapper à la tristesse des choses auxquelles on ne croit plus ? L’amertume fait-elle de nous des orphelins ?
Sous la familiarité estivale pointent cauchemars et bad trips : quand les peurs et les fantasmes prennent le dessus, voilent les évidences et font vaciller le simple sentiment de réalité.
Il est très difficile pour moi de parler de ce livre, je vais donc essayer de présenter au mieux les sentiments ressentis face à cette lecture.

Tout est très flou, tout d'abord. Notre héros nous est étrangement inconnu. On sait peut de chose sur lui. Son âge, son travail, son nom. Des choses basiques et pourtant ignorées. Nous faisons tout au long du roman connaissance avec sa bande d'amis, de vieilles connaissances. Et, dispersés le long de l'ouvrage, des souvenirs de son histoire avec A., son ex-femme, mère de ses deux enfants. Un garçon et une fille qu'il ne voit malheureusement plus.

C'est donc ici une succession de réflexions. Réflexions sur le monde qui nous entoure dans son entièreté, sur l'amour, la vie, l'amitié. Mais surtout sur le monde, vraiment.

"L'œil est devenu la proie. À l'heure de la qualité numérique des images, il est impossible de "zieuter". Combien d'attentats à la pudeur doit-on subir par jour, combien de chocs érotiques sur un parcours en bus, combien de suggestions d'accouplement dans le vide? On arrive le soir la tête bourdonnante, saturé d'avoir laissé passer tant d'occasions faciles de se branler en pleine rue, blasé de cette pseudo-vie sexuelle. L'imposant gang bang public n'a de cesse, et c'est bien sûr une forme sophistiquée de castration, de contrôle social, de canalisation du désir. Mais il faut se taire, au risque de passer pour l'intégriste de service, de pisse-froid."

À travers le quotidien de ce groupe, au travers de choses banales, de couples, d'enfants, de dîners, de cuites, des constations mélancoliques, des regards durs et pourtant trop souvent.. Réels. Je me suis même sentie mal à l'aise par moment par ce regard scrutateur, parfois dérangée. Je lui ai trouvé un petit Beigbeder, tellement désabusé sur la nature humaine à travers sa vision de la vie en générale, même de ses amis. Une énorme amertume.

"Le sexe ne présente plus aucun intérêt pour vous. Une taille marquée, des cheveux qui sentent bon à la rigueur, peuvent encore vous émouvoir. Mais ces émotions sont inavouables sans passer pour un pervers. Le corps de Julie Burtin n'est plus un enjeu de pouvoir entre elle et vous. Vous bandez par réflexe quand elle se frotte à vous. [..] Vous ne parvenez plus à vous souvenir quelle sensation exacte c'était, "faire l'amour.""

Tu auras peut-être remarqué autre chose grâce à cet extrait c'est l'originalité de la narration, cette utilisation du "vous", cette façon de confondre le lecteur avec le narrateur, de l'introduire dans le récit. Tout le roman est formé de cette manière.

"Quoiqu'il advienne de tous vos fantasmes, vous restez amoureux du vent et des choses simples. C'est ce qui vous sauve. Est-ce l'été? Vous observez vos amis et vous réalisez qu'ensemble vous formez le morceau de quelque chose qui vous dépasse et dont la mélodie ne disparaîtra jamais."

J'ai été touchée malgré toute cette froideur. Ce roman rapide formé de scènes et de souvenirs accrochés l'un à l'autre est précis, vif, incisif. Avec un regard aiguisé, il nous montre et démonte les apparences. Cache malgré tout une mélancolie face à des sentiments oubliés. Analyse et étudie les groupes, les liens.

À qui s'adresse ce roman? À ceux qui aiment la modernité. L'abstrait. Fans d'aventures, passez votre chemin. Ici un roman purement descriptif, une longue réflexion contemporaine. Une belle claque.

Merci aux Éditions Buchet-Chatel pour cette découverte!

(1) Expression honteusement volée à Ingrid, j'espère que tu ne m'en voudras pas!

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