jeudi 25 avril 2013

La Dernière Bagnarde de Bernadette Pécassou.

Salut les loupiots,

Aujourd'hui, présentation d'un roman incroyablement dur:

La Dernière Bagnarde de Bernardette Pécassou.

En mai 1888, Marie Bartête, vingt ans, embarque sur Ville de Saint-Nazaire. Elle ne le sait pas encore, mais elle ne reverra plus jamais sa terre de France. On l'envoie au bagne, en Guyane. Bien sûr, elle a été arrêtée plusieurs fois pour de petits délits, mais elle a connu la prison pour cela. Pourquoi maintenant l'expédie-t-on à l'autre bout du monde ? Sur le bateau, elle rencontre Louise, persuadée qu'on les emmène au paradis. Là-bas, on dit qu'il fait toujours beau et qu'elle se mariera. Mais l'illusion sera de courte durée. Le voyage de six semaines à fond de cale, les mauvais traitements et l'arrivée en terre inhospitalière achèvent de la convaincre que c'est bien l'enfer qui l'attend. Et que, malgré la bonne volonté de soeur Agnès et de Romain, jeune médecin de métropole, personne ne l'en sortira jamais.
Nous rencontrons Marie lors de son départ pour le bagne de Cayenne. Accompagnée par de nombreuses jeunes filles dans la même tranche d'âge, elle ne sait absolument pas ce qui l'attend. Lors de la traversée, elles échafaudent mille et un scénarios sur leur futur environnement. Bons ou mauvais pressentiments, aucun n'est à la hauteur de l'horreur de leur nouvelle vie. Rien n'est prévu pour elles, en fait, rien n'est prévu pour aucun être humain. Cet endroit, c'est un mouroir. Un endroit où l'on envoie ceux dont on ne veut plus, un endroit pour les mal-aimés de la société.

La guillotine sèche.

- Pour nous, ma mère, ils ont trouvé la "guillotine sèche", on crève sous la chaleur. Pour vous, c'est la "guillotine humide", ils vous entassent dans ce carbet suintant de microbes.

Pourquoi sont-elles là? Pour servir de "reléguées". Pour se marier avec des bagnards, des criminels sans foi ni loi, sans aucune pitié, en échange de quoi l'heureux couple se verra offrir gracieusement par la République un lopin de terre, plutôt de marais, où ils sont censés construire une maison où vivre.

En débarquant dans cet espèce de village, sans absolument aucun endroit où vivre, elles finissent entassées comme des chiens dans une grande pièce unique. Maladies, proximité, méchanceté, cette vie en communauté deviendra un enfer. Les privations, car évidemment la nourriture manque et on les fait travailler constamment, les font vieillir à vitesse grand V. En un an, elles ont l'air d'avoir vieilli dix ans. Perte de cheveux, dents qui tombent, maigreur morbide, elles ont l'air de vieilles femmes.

Maintenant qu'elle avait vu les chevelures des autres, elle prenait conscience. Quelque chose d'inexplicable accélérait les années. Le temps ici n'était pas le même qu'avant. Son corps avait vécu en une seule année plus de vingt, ou trente années. Mais alors, d'ici peu, l'année prochaine, peut-être serait-elle vieille?

Et en plus de tout cela, il y a les hommes. L'administration, tout d'abord, complètement sans pitié, qui s'en fiche complètement de toutes ces femmes qui souffrent. Et les autres, ces criminels en liberté dans cette jungle nauséabonde, libres de faire ce qu'ils veulent.


Elles doivent supporter tout cela. Certaines se battent et se créent des châteaux en Espagne, sans doute pour ne pas tomber sous le poids de ce si lourd fardeau. D'autres s'enferment complètement dans une coquille, se renfermant à tout ce qui les entourent. Y-a-t-il vraiment une solution pour survivre? Ou est-ce qu'au final ces pauvres gens finiront morts sans personne pour les pleurer?

Quelle injuste que ce récit. Combien de fois ais-je eu envie de crier devant tellement d'horreurs indescriptibles! Et pourtant l'auteure n'y arrive que trop bien, à nous plonger dans cette univers sordide; à un tel point qu'en lisant je sentais l'humidité ambiante sur ma peau, que j'entendais la pluie dégouliner le long des arbres et que je frémissais de terreur face à cette faune impitoyable.

J'ai eu envie de me révolter pour ces femmes abandonnées, ces femmes qui n'avaient absolument rien fait. Marie, l'héroïne de notre histoire, n'avait commis que quelques petits vols pour manger, survivre; et alors qu'elle avait tiré un trait sur tout ça, qu'elle avait commencé une nouvelle vie, on est venu la chercher sans prévenir. Mais pourquoi? Juste parce qu'elle était jeune et sans famille. Parfaite pour créer une colonie, pour repeupler une terre dont personne ne veut, non? Et c'est ainsi pour des dizaines, que dis-je, des centaines de filles. Une injustice, te disais-je.

Alors j'ai été révoltée, complètement abattue par cette tranche d'histoire dont j'ignorais absolument tout et que malgré tout j'ai été contente de connaître; parce qu'il ne faut jamais oublier les erreurs passées et celles-là font partie des pires.

Un roman bouleversant et prenant, un roman dont on se sort pas indemne. Une histoire sordide et révoltante mais qui est à connaître, absolument. Avec une plume sûre et un ton personnel, l'auteure nous hypnotise pour nous confronter plus profondément à une réalité trop ignorée. A lire malgré la dureté.

Merci aux Editions J'ai Lu pour cette découverte absolument incroyable,

Des bisous.

4 commentaires:

  1. Ce livre a l'air très dur mais tellement intéressant !
    Je pense que je le lirais quand je m'en sentirai la force de le faire. De Cayenne, je ne connais que peu de choses, ça sera donc très instructif de découvrir ce roman !

    Merci Lavinia pour ton avis !

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  2. J'aime ce genre d'histoire ! Je la lirai, c'est certain !

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  3. Ce livre est révoltant comme tu le dis et le récit est sans concession. On sent que l'auteure s'est attachée à restituer au plus près les conditions de vie au bagne de Cayenne, même si ça doit être très dur...je pense qu'il y'a peu de documents aujourd'hui traitant du bagne, c'est quelque chose d'assez tabou.
    Le truc qui m'a vraiment sidérée, c'est qu'on envoyait ces femmes au bout du monde, au bagne, pour trois fois rien. Parfois, juste parce qu'elles avaient été là au mauvais endroit, au mauvais moment...finalement, on envoyait au bagne ceux qui n'avaient pas commis un crime suffisamment gros pour être conduits à la guillotine, mais pas suffisamment anodin non plus pour rester en prison.
    J'ai trouvé ce livre vraiment intéressant, je l'ai lu très vite. Déjà, le style est assez facile, pas prise de tête. On entre dans l'histoire rapidement.
    Je conseille vraiment ce roman. Il est fort, percutant et il permet de comprendre le combat d'Albert Londres, dans les années 20, pour faire fermer le bagne.

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  4. MErci pour ce résumé et ces impressions et l'avis sur ce livre. A partir de quel âge peut on le lire? Mais avant que mes enfants le lisent, je le lirai.
    Bonne journée

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