lundi 5 septembre 2011

L'accouchement, ô joie.

Il fallait que j'y passe non?

L'accouchement. C'est gentillet, comme mot. C'est un peu comme l'amour. C'est trop simple pour décrire ce que c'est. Y'a pas de mots assez forts pour décrire ces choses-là. C'est fort, puissant, inédit. C'est plus que ça. C'est plus que tout ce qu'on peut imaginer. Si on ne sait pas que c'est là, on ne peut pas comprendre.

Sache, lecteurs, que j'ai eu une grossesse parfaite. A me reposer, à profiter de nous. Jamais malade. Oh, quelques petits soucis d'anticorps bébé-maman-papa mais qui ont presque bien finis. Donc je suis une chanceuse. Une énorme chanceuse. J'ai profité de chaque instant. J'ai touché et retouché mon ventre. J'ai "écouté" ses coups. J'ai mis et remis les mains de l'Homme sur mon bidou. Je me suis extasiée. Le miracle de la nature. J'ai créé la Vie. Nous avons créé la vie. C'était là, en moi, que tout se passait. C'est magique, irréel. Je me regardais dans le miroir et à chaque fois, j'avais du mal à y croire.

Nous sommes magiques.

Et tout l'était. Et tout l'est encore.

Ce jour me faisait peur. Très peur. Je craignais que l'Homme ne soit pas là, qu'il travaille, que je finisse avec Belle-Maman à l'hôpital et qu'il rate ça. Ce moment intense. Je voulais qu'il soit là à mes côtés, je voulais qu'il ressente ce que moi, je ressentais.

Et la nature a bien fait les choses. Finalement, rien ne s'est passé comme je l'avais imaginé. Plus haut je t'ai parlé de problèmes d'anticorps maman-bébé-papa. 2 semaines avant la date prévue, dernière visite chez monsieur le gynéco pour voir si tout va bien. Et tout n'allait pas parfaitement bien. Rien de très très inquiétant mais quand même. Puisque bébé était assez grand pour affronter le monde, autant ne pas prendre de risque.

Tu ne peux pas imaginer ma tête en sortant du cabinet. Je suis restée les lèvres soudées pour faire bonne figure et à peine 2m plus loin, je me suis effondrée. Je n'étais pas prête. Non non, ce n'était pas le moment, ce n'était pas l'instant. Je voulais vivre ces derniers moments, je voulais avoir le droit de finir de profiter de ces derniers instants avec lui au creux de moi. Je voulais profiter, simplement. La plupart des gens me disaient "Pressée qu'il arrive, hein?" Et bien non, moi je voulais le garder pour moi toute seule. Là où nous ne faisions qu'un, là où il était protégé de tout. Brutale comme séparation. Gros retour à la réalité. Au revoir, doux cocon de plénitude. J'étais brusquement happée par tout ça. Sonnée, KO, je suis retournée à la maison soutenue par l'Homme, fort, comme toujours. Avec comme devoir de revenir le soir-même à l'hôpital pour me préparer pour le lendemain. A 9h, on allait déclencher. On allait forcer mon tout-petit à sortir. Je me suis écroulée sur le lit, folle d'inquiétude. Pour des détails, aussi. Une nuit sans l'Homme? Mais comment pouvais-je passer la nuit précédent sa venue sans Lui? Comment affronter tout ça?

La réalité, te dis-je.

Je suis descendue sur Terre. J'ai pensé aux détails. A sa valise, pas encore préparée. A mes affaires. A une semaine à l'hôpital, à toutes les nuits seules avec ce petit bout ancré en moi qui serait enfin là, dans mes bras.

Nous avons tout préparé, avec l'excitation et la peur des dernières minutes. Pour la stressée de l'organisation que je suis, ça aura été bénéfique, finalement. Fini les peurs de l'absence de l'Homme, il serait là, à mes côtés, c'était sûr et certain. Pas de départs précipités, pas de fausses contractions, non, tout était écrit.

Vers 20h, nous nous dirigeons donc le pas et le coeur lourds vers l'hôpital. J'ai peur, je suis terrifiée, je ne suis pas prête, non.

Je m'installe, je range mes affaires, j'ai de la chance, il y a peu d'accouchement ces jours-ci donc je suis seule dans ma grande chambre. Il reste le maximum possible avec moi et s'en va. Je me sens seule, terriblement seule. Je me couche pour être en forme pour le lendemain, en sachant qu'à 3h on viendra me réveiller pour me mettre un ovule pour préparer mon col et vérifier une dernière fois que le petit va bien. Je dors à moitié, entre le réveil et l'inconscience jusque là. C'est toute sonnée que je me dirige vers une des salles d'accouchement où on fait ce qu'il y a à faire, surveille le bébé pendant 30 minutes et me renvoie à ma chambre.

Et ça recommence. Je ne suis pas réveillée mais je ne dors pas vraiment. Je ne pourrais plus te dire ce qui passe dans ma tête à ce moment-là mais en tout cas, ça tournait autour de nous.

J'ai peur. Quand il arrive, je suis réveillée, prête. Le maximum possible, en tout cas. On nous envoie en salle d'accouchement et on m'auscule. Col ouvert à 1 cm. Soit l'ovule a vraiment, vraiment bien fait effet, soit mon tout petit avait compris qu'il devait sortir de lui-même.

L'Homme a tout prévu. Ordinateur pour regarder un film, Ipod et sa station, livres, magasines, tout. Il a été parfait. Et il n'a fait que renforcer tout ça par après.

Ca y est. On envoie la perfusion qui va déclencher les contractions. Les sages-femmes ont du mal, comme d'habitude, pour me mettre le cathéter. J'ai des toutes petites veines. Encore une fois obligés de prendre une seringue pour bébés afin de réussir à piquer.

Et ça commence. Les contractions. On essaye de vous préparer au mieux, lors des préparations à l'accouchement. Les positions, les massages, la respiration. Tout ça pour supporter.. ça. Cette douleur intense qui vous prend le ventre, le dos. Ce tiraillement. Ce sentiment de "Cela ne finira jamais". C'est douloureux. Très douloureux. Je respire, l'Homme aussi, pour m'aider, pour me rappeler comment faire. Je vais sur le ballon pour aider mon bassin. Je reste dessus, je pleure, j'ai mal. Je tourne, je fais tous les exercices dont je me souviens pour me soulager. Et je lâche prise.

Je demande la péridurale. Cette petite piqure magique qui est censée enlevée tous mes maux. Cette petite pique que je redoutais presque autant que l'accouchement lui-même est finalement une bénédiction.

J'ai tenu 2h. Il est 11h et j'ai supporté pendant 2 longues heures ces douleurs. Je suis admirative de ces femmes qui font sans. J'ai été jusqu'à mon seuil de tolérance. J'aurais pu la demander directement, on me l'a proposé tout de suite. Mais j'ai refusé. Je voulais avoir quelque chose de normal malgré tout. Je voulais ces moments à ressentir intensément tout ça. Je pourrais dire que c'était une initiation. Je voulais avoir le droit de ressentir ce travail intense. Et je ne regrette pas. J'ai pleuré mais j'ai profité pleinement de la naissance à son état le plus brut. 2h, c'est peu. Mais 2h avec ça, c'était pour moi une éternité. Magiques sont les mères qui supportent tout ça sans aucune aide médicamenteuse. Mais pour me consoler, mon gynécologue et les sages-femmes m'ont dit que les contractions d'un accouchement déclenché sont beaucoup, beaucoup, beaucoup plus douloureuses que des contractions normales. Dû au médicament injecté pour les faire venir, justement. Qui sait, j'aurais peut-être tenu plus longtemps sans.

Les sages-femmes vont et viennent. Emilie, la jolie Emilie s'en est allée pour laisser place à Délia et sa jolie petite étudiante qui m'a soutenue durant ces longues heures. L'Homme a allumé l'ordinateur et a mis le film de Camera Café dont je ne sais plus le nom. C'est nul mais ça me fait penser à autre chose. L'anesthésiste est venu, la péridurale fait beaucoup moins peur quand on a vraiment mal. Je n'ai pas regardé l'aiguille, j'ai juste pensé à l'après, quand la douleur partirait. Ca a été vite. J'ai maintenant à disposition un petit bouton pour gérer moi-même l'antidouleur. Et là, c'est la fin.

S'en suivent de longues heures. Je n'ai plus mal, le bas de mon corps dort tranquillement et moi je sombre. Comateuse, j'ai envie de vomir, beaucoup. Persuadée que c'est la péridurale, je n'appuie plus, ou presque. Je veux que ça s'arrête. Je veux profiter de ces instants. Une impression d'immense gueule de bois s'est emparée de moi, je suis ailleurs. On vient m'ausculter, souvent. Vérifier mon col. 2 cm. 3 cm. 4 cm. 5 cm.

Ces longues heures sont en réalité passées très vite. Je ne pourrais même pas vous dire ce que j'ai réellement fait, à par essayer de me reposer pour l'assaut final. Car tout ça n'est que le prélude d'instants fatiguants. Je ferme les yeux, la tête me tourne. Je grignote un peu. Je tiens sa main. Je ne veux pas appuyer sur le bouton. J'ai peur. Je sais que tout ça n'est rien, absolument rien par rapport à ce que je vais endurer.

On me perce la poche des eaux pour avancer le travail. C'est étrange. Je ne sens plus rien, en bas. Je sens juste un liquide chaud dégouliner. Ca y est, il n'est vraiment plus protégé. Il doit sortir.

Ca avance. Rapidement. Je recommence à sentir légèrement. L'Homme m'ordonne d'appuyer, je refuse. Je ne veux pas être malade.

Ca pousse, très fort. Mon ventre se métamorphose, je suis complètement hallucinée. On peut voir à travers ma peau le bébé descendre dans mon bassin. J'ai les yeux grands ouverts, ça approche, je le vois, je le sens. Je touche mon ventre, ce n'est plus pareil. Mon petit bout a commencé un long chemin, bientôt je devrais l'aider. C'est douloureux, ça travaille, ça bouge. Plus il descend, plus je sens une pression qui me donne envie de pousser. C'est dérangeant, je me sens obligée. Mais les sages-femmes me l'interdisent. Ce n'est pas encore le moment. Je ne suis pas totalement ouverte. Elles voient bien pourtant que ce que je ressens est réel et décident alors de me faire un piqure de Motilium, je pense, ou quelque chose de ce genre là, un truc banal en tout cas. Qui est censé effacé ce qui m'empêche encore de pousser.

Je me mets sur le côté. Ca me semble plus naturel. C'est dans cette position que je me sens le mieux. Je me sens plus libre, je sens que le passage est plus simple ainsi. Mais on m'oblige à me mettre sur le dos. C'est plus difficile, je me sens mal à l'aise. J'ai mal. Je ne peux plus appuyer. Il est trop tard. On y est.

Mon gynécologue n'est pas encore là. L'Homme et ces deux saintes sont là. Deux sont occupés à me tenir les cuisses, l'autre à regarder la progression du Petiot. On voit ses cheveux, me dit-elle. De nombreux cheveux, beaucoup, partout. Je pleure. J'ai mal, finalement, je ne veux plus accoucher.

Mais je dois. Alors je pousse. Mal. Très mal. Oubliés tous ces merveilleux conseils, ces longues heures à apprendre comment respirer pour bien pousser. Je pleure, je serre mes mains sur les barres, je gémis, je pousse. N'importe comment. Je fais ce que je peux. Je ressens tout. Je me sens nulle, j'aurais du appuyer sur le bouton. Me voilà comme une idiote à tout ressentir. Tout, tout, tout. Je me sens écartelée. (Ames sensibles s'abstenir, c'est la partie sanglante de l'histoire.)

A un moment, je vois vaguement monsieur mon gynécologue arriver dans un branle-bas de combat, enfiler une blouse et des gants ainsi que deux pédiatres. (Deux, ou un, je ne sais plus trop. Tout est très vague. Je ne me rappelle que de mes sensations.)

Je hurle. Je hurle à en perdre la voix. Je dois faire peur aux pauvres femmes enceintes passant par là. Je hurle de tout arrêter. Je hurle que je n'en peux plus. Que je n'y arrive pas. Que je n'y arriverai pas. J'arrête de pousser. Je pleure, ça ne va pas, ça ne passe pas, ça ne passera pas. L'Homme est avec moi. Je le sens aussi mortifié que moi. Il est aussi terrorisé que moi. Je n'ose imaginer le spectacle que j'ai pu lui offrir. Méconnaissable a-t-il dit. Je devais vraiment faire peur. Et puis, il ne peut pas comprendre ce que ça fait, lui. Il ne comprendra jamais.

J'abandonne. Quand, dans mes délires, j'entends l'autre, monsieur mon médecin, me crier dessus. Me dire d'arrêter de faire des bêtises, de prendre mon courage à deux mains, d'arrêter de respirer comme une idiote. De faire ça convenablement. De façon à ce que tout ça finisse vite. Ca me remet les idées en place. Je prends tout le courage qu'il me reste, je prends les encouragements des 4 personnes autour de moi et je pousse. Fort, très fort, trop fort. Il est sorti. Trop vite. Il déboule dans le monde, son petit bras collé à sa tête. Pas eu le temps de remettre son bras, me dit monsieur. (Je vous passe les détails sur la déchirure et tout ça, hein?)

Toujours est-il que j'ai réussi. En un coup, la délivrance. Littéralement. Mon ventre se vide, il est parti. Et j'ai devant moi un petit troll tout gris, recouvert d'une substance blanche. A mes côtés, l'Homme, le vrai, me prend dans ses bras. Me félicite. Il pleure à chaudes larmes. (Houla, je viens de casser sa réputation d'homme fort. Pardonne-moi, amour. C'est une déclaration, tout ça.) Il me dit que j'ai réussi. Qu'il est là. Qu'il est beau. Que je suis forte. La plus forte.

Et je sens un petit corps visqueux sur mon ventre nu. Des petits bras, des petites jambes. Je pleure, beaucoup. J'ai du mal à réaliser. Tellement, que la première chose qui me vient à l'esprit est:

"Mais il sent la vase."

Mère indigne. Déboussolée que j'étais, voilà la première chose qui m'est venue à l'esprit. Je n'ai pas honte, n'importe qui venant de faire ce que je venais de faire aurait pensé à l'envers.

Ca n'a pas duré. A 17h15, ma vie a changé. A 17h15, je fis sa connaissance. Enfin non, je le rencontrais pour de vrai. Car lui et moi on se connaissait déjà. Lui et moi, nous n'avions été qu'une seule et même personne pendant 8 mois et demi. Ca créée des liens. Nous nous sommes juste reconnus.

J'ai pris sa main. J'ai senti sa chaleur, l'humidité qu'il dégageait. J'ai touché ses doigts. Je l'ai embrassé. J'ai été émerveillée. Je l'ai serré contre moi. J'ai pleuré. Pleuré et pleuré. Peu importait monsieur qui me recousait, peu importait tous les gens dans la salle. Rien n'existait. A par nous trois. Enfin.

L'Homme pleurait. Il n'en revenait pas. Il me félicitait, encore. Moi j'étais complètement stone. C'est le mot. Un flot d'hormone m'envahissait. J'étais heureuse. Envahie d'une plénitude extrême.

J'étais complète. Vous savez, on parle d'un flot d'amour qui nous envahit. D'un trop-plein d'amour, qui déborde. Certaines mères l'ont, d'autres pas. Moi, il a fallu d'un millième de seconde pour que je le reconnaisse. C'était lui, que j'avais protégé si énergiquement pendant ces longs mois. Lui que j'avais couvé avec tellement d'attention. Lui qui, aujourd'hui, me faisait mère.

Louve je devins. Mère je suis.

Je voulais juste rester là. Avec eux. On me l'a retiré quelques instants, le temps de tout vérifier, pendant qu'on me soignait. L'Homme a du l'habiller. Tout gauche, tellement peur de lui faire mal. Son troll, a-t-il dit. Et ainsi choquer toutes les femmes autour de nous. Tellement fidèle à lui-même. Emu comme jamais je ne l'avais vu. Entourant notre création de délicatesse. Un bref débarbouillage, un habillage tout doux et puis de retour sur moi.

Au tout début, je vous ai dit qu'il n'y a pas de mot. Aucun ne saurait qualifier ce que j'ai ressenti. Aucun ne saurait vous décrire pourquoi aujourd'hui encore, en vous racontant ça, j'ai de grosses larmes qui me coulent le long des joues. C'est peut-être ridicule. C'est juste sans doute ça, l'amour d'une mère.

J'ai tout de suite su que j'étais enceinte. Tout de suite. On le sent, dit-on. Je l'ai aimé dès cette seconde. Mais là, c'est indescriptible.

Il est moi. Il est lui. Il est nous.

C'était long. Difficile. Douloureux.

On dit qu'on oublie. Que ce n'est qu'un moment difficile et puis que tout s'efface, comme par magie.

Parfois, on en rigole.

Moi j'ai oublié. Enfin non. Je n'oublie pas, je sais ce que c'était. Mais peu importe, au fond. Ca valait la peine, non?



6 commentaires:

  1. Ou comment pleurer à chaudes larmes au bureau.

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  2. Tellement émouvant, tellement bien écrit, je n'ai malheureusement pas pu vivre ces moments, mes deux loulous étant arrivés par césarienne... merci pour les larmes que tu viens de me faire verser !

    Gazoline

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  3. Même moi j'ai eu les larmes aux yeux ! ^^

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  4. Waouw, quel beau récit!Félicitations!
    Moi aussi j'ai eu droit au déclenchement, je comprends ton ressenti face à cette décision. C'est bizarre de prendre sa valise pour aller à l'hôpital comme si on partait en citytrip!

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